Blas Payri
Nous nous sommes entretenus avec Blas Payri, professeur à l’Universitat Politècnica de València, spécialisé dans la conception sonore, l’analyse du son des films et la musique de film en postproduction, qui admire depuis longtemps la danse, le cinéma et la danse à l’écran canadiens.
Payri, qui travaille dans les domaines du paysage sonore, de la musique électroacoustique et de la danse-écran, encadre un atelier de réalisation et projette son dernier court-métrage lors de l’édition 2019 du Contact Dance International Film Festival à Toronto.
Parlez-nous un peu de vous et de votre travail. Quelle est la relation entre les deux ? Expliquez-nous le parcours qui vous a amené là où vous êtes professionnellement. Qu’aimez-vous dans votre travail ?
Aujourd’hui, je suis principalement une réalisatrice de films de scène, où j’élabore le tournage, le son et la musique, ainsi que le montage et la postproduction. Mon parcours artistique et ma formation portent essentiellement sur l’art sonore et la composition musicale, et mes premières œuvres tentaient d’étendre la composition sonore au domaine de l’image par le biais de la danse ou de l’expression corporelle. J’ai également une formation scientifique et technique, et j’ai fait mes études doctorales et post-doctorales dans le domaine de la perception et de la modélisation du timbre vocal. Mes études en informatique et en ingénierie m’ont également permis de développer des logiciels d’aide à la création artistique.
Aujourd’hui, en tant que professeur de communication audiovisuelle à l’UPV, je peux combiner mes activités académiques et artistiques pour développer avec les étudiants des résultats créatifs basés sur une technique et une analyse solides.
Racontez-nous une anecdote sur vos débuts en tant qu’artiste.
À un moment donné, nous enregistrions une vidéo-danse, la danseuse ne portant qu’une chemise de nuit et bougeant frénétiquement tandis que je tenais la caméra sur le stabilisateur. Nous enregistrions devant un vieil immeuble et les gens ont appelé la police, craignant qu’il ne s’agisse de violence domestique… Lorsque la police est arrivée, nous avons dû expliquer longuement ce que nous faisions, la signification de la vidéodanse et le fait qu’il n’y avait pas de mal et que personne n’était fou.
Décrivez votre espace de travail. Que trouve-t-on dans votre “atelier” ?
Mon espace de travail est principalement constitué de mon ordinateur, où je fais tout le montage et la postproduction numérique. Ensuite, l’enregistrement réel du corps en mouvement peut avoir lieu dans des environnements très différents, de l’environnement naturel aux décors de théâtre.
Qu’est-ce qui est unique dans votre travail ?
Il est difficile de répondre à cette question, car on pourrait dire que toutes les œuvres sont uniques. Dans mon cas, j’essaie de créer des œuvres significatives, qui ont un lien profond avec ce que j’essaie de transmettre, plutôt que des œuvres uniques. Un trait commun à certaines de mes œuvres est l’utilisation du flou de bougé, ainsi que la superposition d’images pour créer de nouvelles textures et un sens visuel.
Qu’est-ce qui vous a amené au Canada ? Quelle est votre relation avec ce pays ?
Dans mon cas, il s’agit du Contact Dance Film Festival, qui se déroule à Toronto. J’admire depuis longtemps la danse, le cinéma et la danse sur écran canadiens, qu’ils soient francophones ou anglophones.
Avez-vous de nouveaux projets en tête ? Sur le plan professionnel, quelle est votre orientation ?
J’ai trop de projets en tête. La direction que je veux prendre consiste à créer des œuvres bien pensées, qui ont vraiment du sens, et à éviter la tendance à essayer d’utiliser tout le matériel que j’enregistre à des fins d’expérimentation pure.
Quel objet emporteriez-vous sur une île déserte ou dans une cabane isolée dans la forêt ?
Un téléphone ou un poste de radio capable de communiquer par satellite.
Que vouliez-vous faire plus tard ?
Très tôt, j’ai voulu être conducteur de trains bleus (j’avais voyagé de Valence à Barcelone dans un train bleu et j’avais trouvé cette couleur profondément belle). Plus tard, j’ai toujours voulu combiner la recherche universitaire et la production créative - d’abord dans le domaine de la musique, puis dans celui de la vidéo - et c’est ce que j’ai fini par faire après quelques méandres.
Un endroit particulier pour vous en Espagne ?
Turballos, dans le comté de Cocentaina, à Alicante - la ferme où j’ai grandi. Il y a aussi le Cabo de la Nao et Jávea, sur la côte méditerranéenne.
Quelle chanson vous trotte dans la tête ?
Cela dépend du jour et de l’humeur, mais le plus souvent, j’ai quelque chose de Brahms dans la tête : un intermezzo, un concerto ou un lied.
Quel livre emportez-vous dans votre sac à dos ?
Je transporte actuellement un livre sur l’économie et l’histoire de l’économie (je sais, ce n’est pas très romantique ou artistique).
Parlez-nous d’un film spécial pour vous ?
Beaucoup de films sont spéciaux pour différentes raisons : certains résonnent avec un problème personnel spécifique, d’autres pour leur beauté. Vertigo d’Hitchcock est probablement l’un des films que j’ai regardé à plusieurs reprises avec un intérêt renouvelé.
Parlez-nous d’un spectacle ou d’une représentation qui vous a particulièrement marqué ?
Le Sacre du printemps de Pina Bausch et de nombreuses œuvres de Martha Graham, pour ne citer que quelques-uns des spectacles de danse les plus connus.
Et une œuvre d’art ?
Les portraits de Francis Bacon Pope m’ont inspiré pour la création de screendance (un projet en cours), et j’aime aussi les peintures de Nicolas de Staël. Trois œuvres de screendance qui m’ont vraiment marqué viennent du Canada : Lodela (1996) de Philippe Baylaucq, Pas de deux (1968) de Norman McLaren, et un court métrage documentaire peu connu intitulé Source (2011) de Pepita Ferrari - tous disponibles à l’Office national du film.
Si vous pouviez changer quelque chose —n’importe quoi— que changeriez-vous ?
Il y a tellement de choses que je changerais… mais surtout, je mettrais de côté les distractions qui m’empêchent de faire un vrai travail créatif.